Rick & Joe.

Rick et Joe marchent à la porte de la Cité. Ils parlent. Rick:
– La vie a le sens qu’on lui donne.
– La vie est absurde ! répond Joe.
– Tu te voiles la face.
– Ta gueule !
Ils avancent.
– Pourquoi me suis-je mis à écrire ? demande Rick.
– Ce n’est pas une question qu’on se pose.
– Avec du recul, je n’arrive pas à comprendre.
– Alors avance !
– Joe accélère. Rick s’arrête.
– Attends… (Il se marre.)
– Pourquoi tu t’arrêtes ?
– Je sais plus où j’en suis, je crois que ce joint m’a défoncé !
– C’est pour ça que t’écris. Tu sais plus où t’es, alors tu laisses une trace. Dans ta tête.
Rick lève les bras au ciel.
– Je regrette tellement. Le destin que je suis me mène à ma perte.
– Nous sommes en Démocratie, tu t’en sortiras.
Ils marchent. Rick accélère, prend de l’avance.
– T’es obligé de marcher aussi vite ? demande Joe, essoufflé.
– Viens ! On va se chercher de la pouffiasse.
– Tu te branles pas suffisamment ?
Rick ralentit, excédé. Il attend Joe.
– Je suis lassé…
– Repose-toi un peu, tu t’y remettras plus tard.
– Comme pour l’écriture ?
– Ouais.
Ils se reposent. Ils gonflent leurs poumons, respirent l’air du périphérique.
– Voilà donc la condition de branleur, conclut Rick : ne rien faire. Parler pour ne rien dire.
– Si possible une bière à la main.
Ils entrent dans une épicerie, ressortent avec deux canettes, qu’ils entament.
Joe :
– Ce connard ne m’a même pas répondu quand je l’ai salué. Il méprise ouvertement les alcooliques, alors que c’est grâce à nous que son commerce pourri prospère.
Rick :
– Une fois, j’ai écrit : « Si ce n’est que de l’alcool, l’économie carburera toujours. » (Il réfléchit.) Faut que j’arrête de boire. (Il trouve une poubelle, s’apprête à jeter la canette presque pleine.)
– Tu es fou !
– Je gâche ma vie…
– La mienne est vide. Laisse-la moi !
Suspense… Un véhicule de patrouille passe devant eux au ralenti. Joe soupire :
– Enfin de l’action.
– Je fais quoi de la bière ?
– Jette-la sur les flics !
Rick lance la canette sur la bagnole. Joe n’en reviens pas. Ils courent. Une femme-flic les rattrape. Ils sont arrêtés. Elle sort sa trique :
– Vous êtes baisés. A poil ! (Ils se déshabillent.) Âges !
– Jeunes.
– Professions !
– Chômeurs.
– Domiciles !
– On cherche.
Elle fouille Joe, puis Rick.
– J’ai trouvé ! Ce bout de merde. (Elle montre fièrement la crotte entre ses doigts.) Vous n’avez donc aucune dignité ? Allez… circulez !
Ils circulent. Ils parlent. Rick :
– La vie est un dépassement de soi.
– Ta gueule !
Ils accélèrent.